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Les rêves perdus

Publié le par Peguy Takou Ndie, Ecrivain

Les complaintes de l'exilé: complainte 7, les rêves perdus

Je suis sur une île sans bateau ni pirogue

Je dois en mon temps refaire les routes

Je dois te reconstruire ô mon pays

Condamné à ne pas jouir de tes fruits

Je refuse que mes enfants subissent le même sort

Je voudrais qu’ils aient le courage de rêver

Je voudrais que leurs rêves se réalisent

Je refuse pour eux ce que tu m’as réservé

Je refuse pour eux ce que tu m’as donné

Je veux que la fleur de chez moi leur offre son parfum

Que la mer leur donne ses vagues

Que la terre ouvre ses portes et laissent de meilleurs fruits

Je veux que le vent leur soit doux

Que la justice soit leur règle de vie

Je veux que le racisme perde la face

Je veux qu’un avenir meilleur soit forgé

Je veux qu’à mon âge ils aient réussi

Que chacun se réjouisse dans son labeur

J’ai fui une terre qui ne me voulait plus

Mais je veux que mes enfants y passent leur vie

J’ai fui une patrie qui me voyait comme ennemi

Or je veux que mes fils y vivent en amis

J’ai quitté la bonne odeur des arbres

J’ai laissé derrière moi le chant mélodieux des oiseaux

J’ai abandonné les sifflements des feuilles vertes

Et le concert ininterrompu des forêts à l’aurore

Je suis parti loin des hommes intègres

Loin de la pudeur d’une foi puérile

Loin de mes croyances ancestrales

Loin des cranes de mes ancêtres

Que je conservais dans un lieu sacré

Je suis allé loin d’un pays qui a volé mes rêves

Loin d’un pays qui a volé ma jeunesse

Loin d’un pays qui ne veut que ma mort

Je suis allé loin de cette terre que le sang de mes pères a bâtie

Mais mon âme reste prisonnière de cette contrée que j’affectionne.

Comment oublier l’eau douce qui me chuchotait à l’oreille

Les aphorismes de mes aïeuls

Comment oublier l’herbe indolente

Qui ne refusait point mes pieds nus

Et restituait à ma mémoire les traditions d’autrefois

Comment oublier l’air aujourd’hui corrompu

Qui transportait depuis l’antiquité sur ses ailles de zéphyr

Les sagesses séculaires que soufflèrent nos pères

Comment oublier les chants de tes tam-tams et de tes balafons

Qui rythmaient les mythes et les légendes de notre maison

Je suis parti mais je suis là

Je suis là en tant que témoin

Je suis là avec les yeux rivés sur toi

Je suis parti pour ton bien et mon bien

Je suis parti pour nos fils et nos filles

Je suis parti pour nos descendants

Je suis parti mais je reviendrais

Je reviendrais quand l’air sera moins lourd pour moi

Je reviendrais pour toi mon pays que j’aime tant…

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