Aux sources du triangle

Il s’attarda sur ce dernier mot, en prononçant distinctement les syllabes à voix basse, en pointant un doigt à la fois étrangement accusateur et interrogateur vers son fils. Une fois de plus Nfeubou baissa les yeux. Mais le père était certain qu’il avait compris et pour s’en assurer, il tendit lentement son oreille vers son fils. Un tel mouvement rappela aisément à ce dernier le temps déjà lointain où les dernières admonestations du père précédaient l’impitoyable moment du châtiment. Nfeubou frissonna en croisant une fois de plus le regard apparemment sans vie du père. Ce regard à deux faces où déjà la première, tendre et pleine d’amour, avait fait place à celle alors insensible et implacable que le grand-père revêtait quand approchait l’heure du châtiment.

• Ca ne se reproduira plus jamais papa, il n’y aura plus de deuxième bureau, chuchota-t-il. « Le meilleur travail consiste à transformer sa famille et surtout ses enfants en produits finis utiles à notre pays. La meilleure usine est la famille, le meilleur patron le père, la meilleure réussite celle des enfants ». Je n’ai rien oublié de tout cela papa et je sais combien tu tiens à la bonne éducation des enfants.
• Parce que c’est à eux que nous laissons tout ce que nous avons, tous nos travaux, tous nos projets, toutes nos réussites et nos réalisations.

Il leva la tête vers l’assemblée et Nfeubou en profita pour aller prendre place auprès de son épouse après l’avoir embrassée. Ses deux fils quittèrent instantanément leur siège et vinrent se refugier dans les bras de leur père. Il porta chacun sur l’une de ses cuisses et leur baisa le cou à tour de rôle. Grand-père réclama de son regard le silence et l’obtint.

• Je vous le dit à tous une fois de plus, c’est à nos enfants que nous laissons tout ce que nous avons, tous nos travaux, toutes nos réussites et nos réalisations nous n’emportons rien dans la tombe. Si oui, tout simplement la sensation d’avoir réussi ou échoué et la certitude ou l’incertitude que les enfants peuvent continuer nos œuvres ou nos rêves. Mais pour qu’une sensation bienheureuse nous accompagne, nous devons être des ouvriers, des penseurs et des innovateurs et non la pierre d’achoppement qui transforme les rêves de nos enfants en souvenirs douloureux. Votre meilleur trésor c’est vos enfants, votre meilleure réussite sera la certitude qu’ils ont réussi leur vie car s’ils y arrivent, ils continueront à s’occuper de ce village et de ce pays si chers à nos yeux.

Extrait: Aux sources du triangle à paraitre...